Samantha Bailly

#payetonauteur

Publié le : 7 mars 2018

Après la mobilisation, une victoire pour les auteurs

Il est temps de faire un petit point sur le mouvement qui embrase les réseaux sociaux depuis 4 jours, lancé par La Charte des auteurs et des illustrateurs pour la jeunesse, le Groupement des Auteurs de Bande dessinée (SNAC) et les booktubeurs : #PAYETONAUTEUR.

Un hashtag qui monte

Il est temps de faire un petit point sur le mouvement qui embrase les réseaux sociaux depuis 4 jours, lancé par La Charte des auteurs et des illustrateurs pour la jeunesse, le Groupement des Auteurs de Bande dessinée (SNAC) et les booktubeurs : #PAYETONAUTEUR.
 
Vous le savez, en plus de mon métier d’auteure, je suis présidente de l’association La Charte, représentant 1400 auteurs et illustrateurs jeunesse. Cette association défend ses créateurs, leur métier, leur condition sociale, et la littérature jeunesse de façon plus générale.
 
Jusqu’à aujourd’hui, Livre Paris, « le plus grand événement du Livre en France », salon du SNE (Syndicat National de l’Edition), syndicat composé donc de plus de 600 éditeurs, refusait de rémunérer les auteurs pour les plateaux, rencontres, interventions.

Pendant deux semaines, nous avions tenté en vain d’obtenir des réponses. Dans cette attente, de nombreux auteurs jeunesse ont refusé de participer à ces animations. L’argument renvoyé aux auteurs était qu’ils venaient y faire leur « promotion ». Ce terme de « promotion » est un glissement sémantique recouvrant en réalité ce qui relève de l’animation et de la médiation des auteurs dans la sphère sociale, au titre de leur savoir-faire créatif.

 

En 43 ans d’existence, si la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse a bien gagné un combat, c’est celui de la rémunération pour les interventions – ateliers, rencontres, interventions, dédicaces. Les auteurs jeunesse, d’une voix commune, ont décidé de dire non au travail gratuit. Rencontrer des classes, préparer un atelier, parler de son œuvre, de son travail, se déplacer, échanger, animer est un travail lié à leurs œuvres. Les bibliothèques, médiathèques, établissements scolaires, l’ont compris depuis longtemps. Nous saluons ces partenaires solides, durables.

Qui les lecteurs viennent-ils voir à Livre Paris ? Les auteurs

Le Centre national du livre a impulsé une réforme fondamentale pour les auteurs : les organisateurs de manifestations soutenues par le CNL doivent rémunérer les auteurs qui participent à des rencontres. La grille tarifaire vient justement de s’aligner sur les tarifs de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse.

 

La Charte a donc transmis au SNE son indignation qu’un événement aussi symbolique, médiatique, que Livre Paris puisse se permettre de refuser la rémunération des auteurs jeunesse, sous prétexte de leur donner de la « visibilité ». Un événement dont l’entrée, rappelons-le, est payante – 29 € le pass Grand Lecteur.

 

Dans une période où les auteurs vivent une très grande période d’incertitude sur les réformes sociales à venir, où nous savons que leur rémunération d’à-valoir baisse, cela envoyait un signal déconcertant. En discussion avec la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse, Pierre Dutilleul, Directeur du SNE, en a pris l’engagement.

Mais entre temps, Livre Paris est revenu en arrière, mettant en ligne des communiqués très ambigus, et refusant de payer un certain nombre d’auteurs.

 

C’est alors qu’un combat absolument historique a commencé. Les auteurs ont appelé au boycott, les auteurs de BD ont rejoint le mouvement, les lecteurs sont venus en renfort, découvrant de façon consternée la situation. #PAYETONAUTEUR est né. Les booktubeuses, notamment Bulledop, NiNe Gorman, Lili bouquine, Moody – Take a Book ϟ, Lemon June, Céline Online : Ma vie en ligne, Pikobooks sont venues porter main forte aux associations et syndicat d’auteur, relayant massivement l’information, et prenant une position ferme et claire. ActuaLitté a suivi en continu ce phénomène hallucinant : la prise de conscience de l’opinion publique non seulement de la condition des auteurs, mais de l’humiliation qu’ils subissaient.

Un combat de 5 jours

Durant 5 jours, une guerre a fait rage sur les réseaux sociaux. Un véritable siège, une insurrection, à renfort d’appels, de gifs délirants pour rire dans la colère, Livre Paris réagissait de plus en plus maladroitement, tentant de rectifier le tir sans vouloir admettre les effets du collectif.

 

Car oui, ce que prouve #PAYETONAUTEUR, c’est que les auteurs sont bien des professionnels, qu’ils savent se fédérer, s’unir, et agir à leur façon. Jouer avec les mots avec les auteurs ? Très mauvaise idée. Ils ont donc conquis leur terrain pour se battre : celui des réseaux sociaux, de la liberté d’expression et de la narration. Pour raconter ce qu’ils vivaient. Dans la colère, mais sans jamais sombrer dans l’agressivité ou la haine : avec l’humour comme arme. Une débauche de créativité, une histoire qui s’est déroulée.

Ensemble, auteurs jeunesse et auteurs BD ont décidé qu’ils refusaient de continuer de vivre ces injustices de façon individuelle. Qu’il fallait s’unir, ne jamais laisser ses collègues non rémunérés sur le bord du chemin. Réclamer respect, considération. Le faire d’une seule voix.

Et à la clef, une victoire

Le mercredi 7 mars 2018, Livre Paris annonce publiquement rémunérer tous les auteurs. La joie est immense. Mais ce n’est pas terminé : à présent, il faut que cette décision soit suivie d’engagements très concrets de la part du SNE envers la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse et du SNAC BD. Qu’on leur ouvre la porte, enfin, pour un dialogue serein.

 

L’élan de solidarité incroyable qui vient de se produire est loin d’être terminé. En plus de l’officialisation réclamée envers la Charte et le SNAC BD, youtubeurs, lecteurs, professionnels du livre et tous ceux ayant participé au mouvement comptent bien poursuivre dans cette voie.

 

Livre Paris sera une fête. Une fête #payetonauteur, dans le mélange de ténacité, de force et d’humour qui nous caractérise. Nous ne boycotterons pas, nous serons présents, ravis d’échanger avec nos lecteurs, de nous réjouir, de nous rencontrer aussi en os, après tout ce temps passé à lutter sur Internet ensemble.

 

#Payetonauteur est à l’origine d’un phénomène absolument inédit et fascinant autour de la condition de l’auteur en France.

 

Le chemin continue. Avec vous tous. Et tous ceux qui seront solidaires du mouvement.

Soutenir la charte

Réagissant aux nombreuses propositions de soutiens sur #payetonauteur, la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse a ouvert cette collecte de dons, exclusivement consacrée à la défense collective des auteurs, aux actions juridiques et à l’information du public.   Nous sommes solidaires du Snac BD, représentant les auteurs de bande dessinée. Certaines de ses actions différentes étant spécifiques, toute somme lui sera reversée pour moitié.

Faire un don

#PAYETONAUTEUR

La Charte, ce sont plus de 1 400 auteurs : auteurs, auteurs-illustrateurs, illustrateurs, traducteurs de livres pour la jeunesse, en France et dans plusieurs pays francophones. L’événement créé par #payetonauteur a rendu évident à la Charte, en plus d’une solidarité qui touche les auteurs, que tous les passionnés du livre attendent aussi des informations sur le fonctionnement de son économie et la place donnée aux auteurs. Les intervenants sur #payetonauteur veulent connaître nos difficultés et être informés de nos combats, nous nous y engageons.

9 commentaires

Commentaires

  • Anna

    Bonsoir,
    J’ai suivi avec énormément d’intérêt votre lutte via les réseaux sociaux et je suis véritablement heureuse que le dénouement assorti à vos revendications soit favorable. Après tout, vos demandes étaient justes et je vous avoue avoir appris avec un immense étonnement les pratiques cachées derrière les apparences. Ainsi, bravo à vous d’avoir osé parler, et d’avoir obtenu gain de cause.
    Là où je m’interroge cependant, c’est sur cette différence faite entre auteurs et auteurs en dédicace, sur le communiqué de Livre Paris. N’est-ce pas la même chose et vos demandes n’incluaient-elles pas tout le monde ?
    Pour vous avoir croisée l’an dernier à Paris, je sais que vous étiez en dédicaces. Est-ce à dire que vous vous êtes humblement battue pour d’autres? Avez vous réellement eu gain de cause ?
    J’avoue ne pas tout comprendre.

    Quoi qu’il en soit, je suis de tout cœur avec vous… La voix, quand elle est juste, se fait toujours entendre.

    • léger

      Moi , là où je m’interroge, c’est sur la rémunération des illustrateurs dont elle diffuse les dessins dans cet article. Ont-ils été rémunéré pour ce travail. Parce que dénoncer le travail gratuit des auteurs c’est bien mais diffuser le travail des autres contre aucune rémunération ce serait un comble tout de même

      • Samantha Bailly

        Bonjour Léger.
        Les illustrations ont été dessinées par des membres du conseil d’administration de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse, association composée de bénévoles. Je suis moi-même bénévole dans ces combats, visant à protéger notre profession. Les illustrateurs membres du CA de la Charte, pour éviter tout conflit d’intérêt, font le choix d’offrir des illustrations à l’association qui les protège. De même que nous donnons tous de notre temps dans ces luttes qui servent la profession. C’est le principe de l’associatif 😉 Comme nous l’avons toujours dit : le bénévolat, cela se choisit. Et dans de nombreux cas, le bénévolat est fondamental pour la société, notamment pour servir une cause… mais le parallèle entre la Charte, association, et un Salon privé comme Livre Paris, n’a pas lieu d’être.

    • Samantha Bailly

      Bonjour,

      Merci à vous ! Pour les dédicaces, c’est un sujet sensible de longue date… La charte recommande depuis longtemps des tarifs pour les signatures. Parfois, des auteurs acceptent d’offrir une journée de dédicaces lorsqu’il y a de nombreuses interventions, par exemple. Mais l’univers du livre semble très réfractaire à l’idée que les auteurs soient rémunérés pour dédicacer. Les libraires indépendants, notamment, étant dans une situation difficile, y voient une charge face à laquelle ils ne pourraient faire face.

      • bernardin

        Bonour Samantha,
        j’arrive un peu tard mais la rémunération d’auteurs en en dédicace n’a qu’a être demandé qu’aux salons ou librairies qui en ont les moyens puis les auteurs qui vont dédicacer dans des librairies indépendantes seraient donc complétement bénévoles.

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